L'impôt, c'est du vol

Depuis que j'ai commencé d'étudier certaines questions de philosophie, de politique et d'économie, j'ai acquis la conviction que l'impôt, c'est du vol. Révolutionnaire? Absolument, puisque cette formule a été déclamée par un député français à la tribune de l'Assemblée en 1789.

La définition du vol, selon les dictionnaires, c'est de s'emparer de ce qui appartient à autrui sans son consentement, en le menaçant de violences physiques s'il resiste. Le percepteur ponctionne l'argent que j'ai gagné sans me demander ma permission et, si je refuse d'acquitter l'impôt, les gendarmes me jetteront en prison. Donc ceci constitue bel et bien du vol.

Les âmes bien-pensantes choquées par cette affirmation produisent des contre-arguments qu'on peut classer en un petit nombre de catégories, et que je vais réfuter en commençant par celle-ci.

Tu dis ça parce que, égoïstement, tu veux payer moins d'impôts.

Mes circonstances personnelles n'ont rien à voir avec la vérité ou la fausseté de mon propos. Attaquer l'homme parce qu'on ne sait pas réfuter ses arguments est un sophisme ad hominem, on le sait bien depuis le livre La rhétorique écrit par Aristote en 350 av. J.-C.

Ce type de sophisme, complètement dénué de valeur logique, a été employé à grande échelle par Karl Marx dans son Manifeste du Parti Communiste de 1848. Se sachant parfaitement incapable de contredire sur le plan scientifique les économistes libéraux de son époque qui avaient prouvé que le communisme ne marcherait pas, Marx les traita d'économistes "bourgeois" suppôts du capitalisme. Bien sûr cela n'enlevait rien au fait que ces économistes libéraux avaient raison et que Marx avait tort, comme l'effondrement de l'Union Soviétique l'a montré aux derniers sceptiques en 1989.

Céder au sophisme ad hominem, c'est avouer qu'on est incapable d'évaluer par soi même le caractère vrai ou faux d'une proposition. Dans le cas d'une proposition aussi concise, et exprimée par des mots aussi simples, que "l'impôt, c'est du vol", c'est grave. Il est vrai que l'éducation nationale (financée par l'argent volé) et la soi-disant culture moderne ont émoussé l'esprit critique des gens, et les ont privés des outils intellectuels nécessaires pour pouvoir réfléchir aux questions fondamentales qui les touchent de plus près autrement qu'en annonnant des clichés. Je dis ça en général, il y a au moins une exception.

Si on acceptait le sophisme ad hominem, alors il faudrait rire au nez de tous les politiciens qui veulent "faire du social", puisque bien évidemment ce "social" va être administré par eux-mêmes, ce qui leur assurera voiture et appartement de fonction, le droit de puiser dans un gros budget, et le pouvoir de récompenser leurs fidèles lieutenants par de bons postes.

Le sophisme ad hominem porte en lui le conflit: le politicien veut créer des impôts (c'est "sa" vérité puisqu'il en bénéficie) et le contribuable veut les abolir (c'est "sa" vérité puisqu'il en pâtit). Si on ne veut pas affirmer qu'un point de vue est supérieur à l'autre, comme ils sont mutuellement incompatibles, c'est la loi du plus fort qui prévaudra. Autant nier que le vrai est différent du faux, que le bien est différent du mal, et que l'homme peut distinguer l'un de l'autre par l'exercice de sa raison. Autant arrêter de discuter tout de suite et redevenir ce que nous étions: des bêtes sauvages.

Finalement, quand bien même mes actions seraient égoïstes, cela n'implique en rien qu'elles nuisent aux autres hommes. Cette manière de penser n'est correcte que dans un jeu à somme nulle où A arrache quelque chose à B par la force, donc la situation de A s'améliore à mesure que celle de B empire. Or la vie, ça n'est pas comme ça. Il n'y a que les voleurs qui pensent comme ça.

Dans un monde où le vol est puni, les seuls échanges qui ont lieu sont ceux qui sont volontaires, ce qui prouve bien qu'ils bénéficient aux deux parties, car sinon l'une des deux retirerait son consentement. A partir de cette simple observation, Adam Smith a prouvé que même quelqu'un qui poursuit un but égoïste dans une économie de marché, en fait, agit d'une manière qui bénéficie à tous les autres membres de la société. Quand Thomas Edison a inventé l'ampoule électrique pour faire fortune, l'humanité est sortie des ténèbres. Dans une société de libre échange, la taille de la fortune qu'on amasse est même proportionnelle à l'ampleur des services qu'on a rendus aux autres. En effet les gens ne consentent à devenir vos clients que si les services que vous leur rendez ont plus de valeur pour eux que la quantité d'argent que vous demandez en paiement.

Par contre ceux qui disent être généreux, qui disent vouloir améliorer le sort des autres, ne créent que chaos et malheur car, endormant la vigilance des populations par leurs discours pseudo-moralisateurs, ils interviennent, forcent, redistribuent. Ce sont souvent des politiciens. C'est facile d'être généreux avec l'argent des autres. A chaque fois qu'ils empêchent une personne de jouir comme bon lui semble de sa propriété, qu'ils empêchent deux personnes de procéder à un échange mutuellement profitable, ou au contraire les forcent à procéder à un échange qui n'aurait pas eu lieu spontanément, ils tuent la liberté, rabaissent l 'homme au rang d'esclave et sèment les graines de la discorde. Ce sont eux les vrais ennemis de l 'humanité, alors de grâce qu'on ne reproche à personne d'être égoïste.

C'est la volonté de la majorité

Avant Galilée, la majorité pensait que le soleil tournait autour de la terre, et ça n'était pas vrai pour autant. Quand Ponce-Pilate demanda à la population de Jérusalem de choisir entre gracier Jésus-Christ ou le meurtrier notoire Barrabas, la majorité choisit de gracier Barrabas. Ça ne veut pas dire que c'était juste pour autant.

Mettons que je me fasse accoster par deux loubards qui, sous la menace d'un couteau, me demandent mon portefeuille. Si, avant de s'en emparer, ils organisent un vote où eux deux votent pour me dévaliser et je vote contre, ce souci procédural ne rend pas leur acte moins répréhensible. Si la majorité des Français un jour vote pour exterminer tous les rouquins, ça ne justifiera pas le massacre pour autant. Si 51 % des Français votent pour voler leur argent à 1 % de la population, c'est toujours du vol.

Mon voisin n'a pas le droit de venir chez moi prendre mon argent par la force. Il n'a pas non plus le droit de me prendre comme son esclave du 1er janvier au 15 juillet de chaque année, même s'il me libère du 16 juillet (jour de la libération fiscale) au 31 décembre. Si au lieu d'un voisin il y en a deux qui essaient de faire ça, leur nombre supérieur ne rend pas leur agression plus légitime. Qu'il y en ait dix, cent ou 20 millions, c'est exactement pareil. Les droits d'un groupe sont la somme des droits individuels possédés par ses membres. Donc aucun groupe ne peut se prévaloir de droits qu'aucun de ses membres, pris individuellement, ne possède. C'est pourquoi la majorité des électeurs Français n'a pas plus le droit que mon voisin de me voler mon argent ou de me réduire en esclavage.

Que les décideurs politiques soient élus démocratiquement ou non compte bien moins que les principes auxquels ils adhèrent. Par exemple Louis XVI, qui ne fut pas élu démocratiquement, considérait qu'il était obligé de conserver le droit naturel de ses sujets à la propriété. Alors que la structure actuelle de l'impôt sur la fortune peut forcer un Français ayant peu de revenus à vendre son domaine afin d'acquitter cet impôt. On pense à l'île de Ré. Le fait que ceci constitue une violation du droit de propriété est indéniable, et a été reconnu comme tel par la Cour Suprême allemande, qui en a profité pour supprimer l'impôt sur la fortune. Malheureusement les dirigeants démocratiquement élus par le peuple Français ne se considèrent pas, eux, obligés de conserver le droit naturel de leurs administrés à la propriété.

Enfin il faut se demander: quelle majorité? J'ai une dizaine d'amis qui pensent comme moi que l'impôt, c'est du vol. Si nous votons à onze sur la suppression de tous les impôts, l'unanimité se fera pour. Pourquoi est-ce que le vote de 44 millions de Français aurait un statut plus spécial que celui de mes dix amis, ou celui de 200 millions d'Européens? Or les Européens dans leur majorité sont favorables à une pression fiscale plus basse que celle qu'on subit en France actuellement, puisque la France se situe nettement au-dessus de la moyenne Européenne. Y a-t-il quelque chose de magique dans les frontières actuelles de la France qui fait que la volonté la majorité de ceux qui y sont nés doit toujours être appliquée, mais la volonté de la majorité d'un ensemble de population plus petit ou plus large n'a aucune importance? Rappelons-nous comment ces frontières ont été tracées et fixées: par les épées, les fusils et le meurtre à grande échelle. Cette histoire sanglante n'est pas de nature à leur conférer un degré de légitimité morale particulièrement haut, puisqu'elles ne sont en définitive que l'expression de la loi du plus fort.

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