Action humaine

La première phrase du chef d'œuvre de Ludwig von Mises, L'Action humaine (PUF, 1985), est d'une simplicité trompeuse. Cette petite phrase qui n'a l'air de rien suffit à fonder le seul système philosophique cohérent et réaliste. A première vue elle a l'air complètement évidente, et pourtant quand on y réfléchit bien la plupart de ce qu'on lit dans les journaux et qu'on entend à la télé est incompatible avec elle et donc faux.

C'est: "L'action humaine est un comportement intentionnel."

L'homme (au sens large, qui inclut la femme bien sûr...) est capable de prendre conscience de ses désirs, de formuler un objectif, de reconnaître son environnement, d'évaluer les moyens à sa disposition, de prendre une décision et d'agir.

Le groupe Chagrin d'Amour l'a exprimé plus crûment dans le titre de sa chanson: "Chacun fait c'qui lui plait".

Comme j'ai dit précédemment, c'est ce qui différencie l'homme de l'électron. C'est pour cela que tout système moral, social et politique doit se fonder sur le fait que l'homme exerce sa volonté librement en réponse aux conditions extérieures. Ignorer cette liberté de choix et d'action intrinsèque à la condition humaine, c'est ravaler l'homme au rang de la bête ou du robot sans conscience.

Pourtant les politiciens le font sans vergogne tous les jours! Quand ils défendent n'importe quelle mesure démagogique, ils font exprès d'ignorer la seule question d'importance: comment les gens vont-ils y réagir et adapter leur comportement? L'impact direct, le seul qu'ils mettent en avant, sera minuscule par rapport à l'impact indirect dû au fait que les gens adapteront leur comportement aux nouvelles conditions.

Par exemple: si on relève le SMIC de 10%, les employeurs vont réagir en n'embauchant pas les débutants et les gens sous-qualifiés, ce qui augmentera inéluctablement le chômage. Les employeurs sont des hommes comme les autres, et si ça coûte moins cher à leur entreprise de tourner en sous-capacité que de surpayer quelqu'un de peu productif, ils n'embaucheront personne. Nier ce fait, c'est nier la nature humaine.

Ce problème fondamental de l'incitation a provoqué la chute de l'URSS et de tous les systèmes communistes totalitaires. Quand on confisque la production individuelle, l'individu produit le moins possible. Le seul moyen d'y remédier est de recourir à la violence à grande échelle. En comparant le taux de croissance de l'URSS au nombre de personnes exécutées par an, on voit une corrélation positive de plus de 90%. Ce fut tout aussi évident dans le secteur agricole: l'URSS était au bord de la famine quand toute la terre était collectivisée, et la production alimentaire a immédiatement doublé le jour où juste 5% des terres arables ont été ouvertes à la propriété privée.

Le marxisme-léninisme a fait l'erreur fondamentale d'attribuer à une classe sociale, en l'occurrence le prolétariat, une volonté d'agir qui est en fait le propre de l'individu. Cette erreur s'appelle anthropomorphisme. Désolé de rappeler une évidence, mais seul l'homme possède un cerveau qui commande à son corps d'agir. L'homme qui va dîner à la pizzeria du coin plutôt qu'au restaurant chinois, la femme qui choisit un homme plutôt qu'un autre pour être le père de ses enfants, quelqu'un qui décide de travailler dans la finance au lieu de l'aéronautique, c'est ça qui fait tourner le monde, ma chère dame... Une collectivité n'est ni plus ni moins que la juxtaposition de volontés individuelles souveraines.

Ayant établi que la seule chose qui compte en ce bas monde est ce qui se passe dans la petite tête de l'homme au moment exact où il choisit une action plutôt qu'une autre ou qu'une inaction, comment progresser? En spécifiant ce qu'il doit choisir: un comportement généreux ou égoïste, matérialiste ou spirituel, émotionnel ou intellectuel, tourné vers l'immédiat ou le futur, frileux ou courageux, raffiné ou vulgaire, séduisant ou laid, frénétique ou léthargique? Que nenni! Ce serait gravement attenter à sa liberté de choix que de fourrer notre nez là-dedans... C'est précisément ce qui fait la beauté et l'universalité de la vision libérale que nous admettons tous ces choix sans en juger aucun. Certains seront généreux et d'autres seront égoïstes, le même homme pourra être matérialiste un jour et spirituel le lendemain, et ainsi de suite. La reine d'Angleterre Elisabeth I a dit fort sagement qu'il ne fallait pas "ouvrir les fenêtres de l'âme des hommes".

Alors que faire? La seule tâche qui reste est de caractériser les conditions de l'exercice de cette liberté. Par exemple, quels moyens un homme peut-il employer pour agir? A priori, il peut utiliser tout ce qui est à sa disposition, c'est-à-dire tout ce qu'il possède. Mais un homme a-t-il le droit d'utiliser les outils appartenant à un autre? Et après que l'action d'un homme a produit certains fruits, à qui appartiennent-ils? Tout ceci ouvre la question cruciale de la propriété privée.

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