Démocratie

Tant qu'il y aura un état, celui-ci abusera de sa force. Que ses dirigeants soient choisis héréditairement comme en monarchie, par vote comme en démocratie, ou même par tirage au sort n'y change strictement rien.

Si tant est que le mode de désignation de ceux à la tête de l'état puisse influer sur le caractère plus ou moins nocif de cet état, le mode démocratique est particulièrement déviant et dégénéré, comme le pensaient déjà Aristote et les révolutionnaires américains signataires de la déclaration d'indépendance de 1776.

La référence absolue dans ce domaine est l'excellent livre de Hans-Hermann Hoppe intitulé Democracy : The God that Failed (2001) qui a été traduit en allemand, polonais, italien, coréen et espagnol, mais malheureusement pas encore en français. On ne saurait trop le recommander, c'est un livre qui ouvre les yeux.

Un des problèmes majeurs en démocratie est que chacun peut avoir une chance d'entrer dans l'appareil d'état, soit en passant un concours de fonctionnaire, soit en se présentant à une élection. Cette caractéristique affaiblit considérablement la résistance naturelle des individus contre l'accroissement du pouvoir de l'état à leurs dépens, car ils se disent qu'eux aussi (ou leurs enfants) pourront peut-être un jour passer du bon côté de la barrière pour en profiter. Quand le roi envoyait ses collecteurs d'impôts cela donnait souvent lieu à des émeutes, parce qu'on percevait bien la différence entre la classe des exploiteurs et celle des exploités, mais maintenant cette perception est brouillée.

Une autre implication est que ce processus de recrutement ouvert dans l'appareil étatique permet de sélectionner scientifiquement parmi un large éventail de candidats les moins scrupuleux, les plus adeptes à manipuler les foules et à leur faire avaler n'importe quelle couleuvre. Plus un roi était incompétent et plus ses sujets étaient ingouvernables donc libres, et par accident génétique il y eut beaucoup de rois incompétents. Mais un président de la république élu à l'issue d'une compétition impitoyable ne peut être qu'extrêmement habile dans l'art de tondre les moutons-contribuables sans que ces derniers ne renâclent trop.

De plus, les échéances régulières de mandat font que les dirigeants des pays démocratiques ont forcément une courte vue. Ils ne peuvent pas léguer le pays à leur fils, contrairement aux rois, donc n'ont aucun intérêt à l'améliorer pour le long terme. Au contraire, à chaque occasion de sacrifier les perspectives de long terme d'un pays pour leur intérêt personnel immédiat, ils le feront.

De toute façon il n'y a rien de magique dans la notion de majorité: le fait que 50,1 % des votants choisissent un candidat ne leur donne pas le droit de l'imposer aux autres 49,9%. Les hommes politiques eux-mêmes le savent bien, puisqu'à l'échelon de l'union européenne tout affaiblissement de la règle de l'unanimité est qualifié d'atteinte à la souveraineté nationale: c'est le droit pour une coalition de pays étrangers d'imposer à la France une mesure à laquelle elle ne consent. Cela prouve bien que la démocratie n'est rien d'autre que la tyrannie de la majorité.

En plus il faut souligner que cette majorité artificielle n'est atteinte qu'en limitant les choix des électeurs: si on comptait les abstentionnistes et si on laissait tous les candidats en lice, personne ne récolterait plus de 10%. Même parmi ces 10%, il y aura très peu d'électeurs qui seront d'accord avec toutes les mesures prises par le président durant son quinquennat. Ça fait beaucoup de cocus...

Une caractéristique particulièrement scandaleuse du suffrage universel est que ceux qui vivent du budget de l'état (fonctionnaires, élus, RMIstes et chefs de grosses entreprises recevant des subventions publiques) ont le droit de voter pour choisir le montant du budget de l'état. Chaque être humain agissant pour son intérêt tel qu'il le voit, ils vont avoir systématiquement tendance à voter pour augmenter la taille du budget, puisqu'ils y puisent plus qu'ils n'y versent. C'est comme si dans une ruelle mal famée à la tombée de la nuit deux bandits et une victime votaient démocratiquement à la majorité pour déterminer le montant et la direction de la redistribution à effectuer. Ce vote ne saurait maquiller le fait que c'est du vol pur et simple. La moindre des choses, donc, serait de supprimer immédiatement le droit de vote aux fonctionnaires et à tous ceux qui puisent dans le trésor public plus qu'ils n'y versent.

Le système actuel n'est d'ailleurs qu'un succédané de démocratie car il refuse au nom de la souveraineté nationale le premier des droits démocratiques: celui de faire sécession. Si une communauté territoriale de quelque taille que ce soit (région, département, commune, pâté de maisons) votait démocratiquement pour se séparer de la France, et prenait des mesures pratiques pour mettre en œuvre cette nouvelle indépendance, la France enverrait ses chars d'assaut. Alors qui détient vraiment le pouvoir, les Français ou la clique qui les gouverne?

Au début de la République Française en 1792, le suffrage censitaire garantissait un minimum de rationalité au processus politique. Quand seuls ceux qui possèdent des maisons et des terrains (dont ils ne veulent pas voir la valeur chuter) et qui paient l'impôt élisent les gouvernants, ces derniers auront moins tendance à faire n'importe quoi. Mais une fois le virus de la démocratie injecté, il se propage par le mécanisme suivant: tout homme politique ambitieux a intérêt à se faire le champion de l'extension du droit de vote, car les nouveaux votants qu'il aura inclus lui seront reconnaissants et devraient voter pour lui. A terme, tout le monde pourra voter, même ceux qui n'ont aucune raison de mettre leur bulletin de vote au service de l'intérêt général. Hans-Hermann Hoppe l'illustre brillamment dans son article intitulé A bas la démocratie:

Imaginez qu'aux États-Unis on étende le droit de vote aux enfants de sept ans. Le gouvernement ne serait peut-être pas composé d'enfants, mais ses politiques, selon toute probabilité, refléteraient le "souci légitime" des enfants de disposer d'un accès "suffisant" voire "égal" à des hamburgers, des limonades et des vidéocassettes "gratuits".

C'est ainsi qu'après 1792 on a rabaissé le critère d'impôt minimum à payer pour avoir le droit de vote, puis on l'a étendu à tous les hommes, puis à toutes les femmes, et que Valéry Giscard d'Estaing a réduit l'âge minimum de 21 ans à 18 ans. Et au fil du temps tous ces "progrès" ont inévitablement accentué la propension de l'état à accaparer et redistribuer la richesse créée par les producteurs.

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